vendredi 14 novembre 2008

Lecture nihiste de : "Martians, go home !"





Alors en guise d'introduction, je vous demande de lire ceci :
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Vous venez donc de prendre connaissance d'un article de wikipedia, qui propose plusieurs grille d'analyse du livre de Fredreick Brown "Martian, Go Home !". Ce livre à deux mérites à mon sens : le premier (et le moindre) je l'ai lu jusqu'au bout. Oui, enfin un livre cette année que je parviens à terminer. Pourquoi ? Comment ?

Un style simple. Une histoire directe. Peu de description. Bref c'est bref. Quelques pages qui vont à l'essentielle. Presque un livre essai. D'ailleurs voila poindre le second mérite.

Ce livre dispose d'un autre niveau de lecture, un niveau qui a échappé à l'auteur de l'article wikipedia, mais qui à mon avis est central. Voire même majeur, sinon primordial.

En effet ce livre est aussi (et surtout) un manifeste nihiliste, dont je ne peut que à croire que l'auteur ne l'ai écris délibérément. Et s'il est aujourd'hui considéré comme un oeuvre importante de la "science-fiction humoristique", c'est bien par accident et non le contraire.

Ainsi Brown nous conte les mésaventures de l'Humanité soudainement envahie de petits êtres moqueurs, omniscients et inciviles. Les déboires du héros, alter-ego de l'auteur, ne sont que des illustrations qui viennent servir le propos central en quelques interludes.

Les martiens, dont on ne sait jamais vraiment si ils sont vraiment ce qu'ils semblent être et revendiquent être (à savoir martiens donc), savent tout, voient tout, et dénoncent tout. Ils ne peuvent être chassés. Ils n'ont pas actions sur les objets, ils sont intangibles. Comme des manifestations de l'esprit. Et pire des malédictions touchant les hommes, ils ne mentent pas et dénoncent tout mensonges.

Voici donc tout les Hommes de la terre, quelque soit leur sexe, leur culture, leur langue, leur condition, leurs age, leur localisation, confrontés à la vérité. Une vérité qui soudainement ne les quitte plus. Qu'ils ne peuvent plus enfouir dans le mensonge, dans l'hypocrisie, dans les coutumes, et toute tentative en ce sens et vaine puisque les "martiens" (manifestations spirituelles de la vérité nue) interviennent sans cesse pour les renvoyer à la vacuité de tout ce qu'ils font, tentent ou espèrent.

Là est le paradigme de cet ouvrage, nous montrer ce qui se passerait si l'Homme avait le courage (et surtout l'obligation, la contrainte absolue) de voir les choses telles qu'elles sont. Et des choses humaines, il est question ici. En quoi Société, conventions, politesse, organisation sociale, politique, religieuse, volent en éclat face à la vérité. La Vérité simple, absolue, indéniable : tout est vain.

Les ambitions humaines sont systématiquement renvoyés à leur vacuité, à l'inanité de leur but par ces êtres venus d'ailleurs, dont on ignore les propres motivations, et que l'auteur a choisi d'affubler d'un sens de l'humour sarcastique.
Le sarcasme devient l'écho de toute action humaine.

Dés lors tout devient clair. La Vie quotidienne des Hommes telle est organisée, entretenue par des conventions et des choix censés être rationnels, ne mérite que sarcasme et d'être renvoyé à sa médiocrité.

Le déroulement de l'ouvrage donne lieu à la démonstration de l'effondrement de la société humaine, plus rien ne fonctionne car plus rien n'a de sens, plus ne mérite d'être fait, car tout est ramené à sa véritable valeur et à ses réels fondements : égoïsme, prétention, bellicisme, mensonge.

L'Homme est alors privé de ces mobiles habituels, et se montre incapable d'apporter une réponse nouvelle. Reste la fuite, la lutte perdue d'avance, les projets encore plus prétentieux qu'avant, la maladie mentale, tout est voué à l'échec mais qu'importe l'homme continue à se cogner contre les parois de sa cage... sans jamais apprendre. En cela aucune réponse n'est apportée par l'auteur.

Et quand le monde est sur le point de tomber définitivement dans l'acceptation de la situation, qu'une nouvelle ère semble poindre, Brown choisit non pas d'imaginer ce que pourrait être l'humanité qui accepte son statut de forme de vie médiocre et vaine, comme fondamentalement animé par des motifs mauvais qui doivent être changé, il choisit le retournement scénaristique.

Les martiens disparaissent. Aussi soudainement qu'ils sont apparus, sans qu'on sache pourquoi, même si certains veulent se convaincre qu'il existe des raisons, ou qu'il ont réussis à agir. Et laissent les Hommes retourner à leur vie d'avant, médiocre et vaine, laquelle ils s'empressent de remettre en place à l'identique ou à quelques détails prés, comme la paix dans le monde que les hommes s'accordent dans le doute (plein d'humour ce F.Brown).

Le pourquoi n'est pas éludé, contrairement à ce que le lecteur simpliste pourrait croire. Et la post-face et elle même un monument de sarcasme.
L'auteur s'offre une fin aussi nihiliste que possible. Frederic Brown nous offre la clef du mystére, la réponse c'est qu'il n'y a pas de réponse. Jamais. A rien.